QUI EST PATRICK BALKANY ?

Publié le par balkaland

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Patrick Balkany
Comédie française

Bas les masques. Le sulfureux maire de Levallois s’est fait prendre à son propre jeu. Symbole d’une génération politique surannée, cet acteur charismatique a brûlé son premier rôle sous les feux des projecteurs. Haut les mains. Le député des Hauts-de-Seine n’a pourtant pas dit son dernier mot. Son mea culpa politique et sa reconquête locale renouent avec une communication théâtrale.

Chaque semaine, Le nouvel Economiste révèle un tempérament à «L’Hôtel», rue des Beaux-Arts. Paris VIe. Portrait d’un comédien refoulé devenu un élu local critiqué.

Par Gaël Tchakaloff

Il y a toujours un petit goût de western dans les Hauts-de-Seine. Il y a toujours une petite touche de star-system chez Patrick Balkany. La dramaturgie naturelle et la stratégie de communication glamour du maire de Levallois nourrissent depuis longtemps les chroniques people des médias. Davantage que leurs colonnes politiques. Le député controversé a pourtant décidé de changer de posture. Désormais, le temps des incartades amoureuses, des saillies rhétoriques et autres exhibitions politiques est bien révolu. L’élu local a troqué les soaps contre les grands auteurs classiques. C’est en victime blessée, en pourfendeur d’injustices, en homme politique engagé que se présente désormais l’animal. Un nouveau Balkany est né : homme sage, empreint de convictions gaullistes, reconnaissant ses écarts, à la recherche d’une purification des péchés. Entre rêve et réalité, le fumeur de cigares au costume sur-mesure et au carnet d’adresses show-biz revêt des accents de sincérité. Il a su traverser la tempête. Il a retrouvé sa ville. Il n’est plus exclu de l’UMP. Le « Tout Sauf Balkany » est fini.

Patrick au pays des merveilles
Qui n’a jamais rêvé d’être un artiste ? Lui, il l’a fait. Pourtant, le fils d’immigrés hongrois est né avec une petite cuillère en vermeil dans la bouche. A l’Hôpital américain, tout simplement. Après une jeunesse à Neuilly et des études dans les écoles huppées, entre Jouy-en-Josas et Genève, le garçon décide de faire du cinéma. « Patrick amplifie tout ce qu’il dit. Il peut réciter le bottin mondain sans que l’on s’ennuie », lance son épouse, Isabelle. Sa prestance physique et son tempérament le conduisent naturellement dans une troupe de théâtre, pour un temps seulement. Car il est attendu dans l’entreprise familiale de prêt-à-porter, « Réty ». S’il n’a pas passé son bac, il hérite des valeurs familiales : le sens du travail, les convictions gaullistes, l’honneur de la France. « Pour moi, la France est fondamentale. C’est le pays qui a accueilli ma famille. Mon père s’est battu pour ce pays. Je n’oublierai jamais sa légion d’honneur, sa médaille militaire, sa croix de guerre. » Déporté résistant à Auschwitz durant sept mois, le père idolâtré a transmis sa veine partisane et ses idéaux. Ses réseaux permettent à Patrick d’effectuer son service militaire à l’Elysée, durant le septennat de Georges Pompidou. Chargé de la revue de presse, le jeune homme rencontre tout le Palais présidentiel : Jacques Chirac, Edouard Balladur, Marie-France Garraud… Si bien qu’il quitte rapidement l’affaire familiale. En 1978, Jacques Chirac lui propose de faire campagne pour les élections législatives, à Auxerre. Coup de foudre. Patrick se passionne pour ce nouveau métier, se révèle sur le terrain. Il parvient à mettre son adversaire en ballottage. Nul doute désormais. Il a trouvé sa voie. Il exprimera sa vocation théâtrale auprès d’électeurs devenus spectateurs. Cela ne l’a jamais quitté. Peu lui importent les reproches récurrents l’accusant de clientélisme. Peu lui importe la vision nationale conceptuelle. Il se félicite de son pragmatisme tout terrain. Et il n’est pas le seul : en dépit de son chemin chaotique, les électeurs en redemandent…

Le marquis de Carabas
Son chat botté s’appelle Charles Pasqua. Ses bottes de sept lieues couvrent les Hauts-de-Seine. Pour Patrick, il a décidé de construire un château, Levallois. Dans le lot, il y a une princesse, Isabelle. Voilà. Comme dans tous les contes, il y a une morale à l’histoire qui va suivre. Après l’épopée d’Auxerre, Charles Pasqua lui dit : « Vous devriez vous attaquer à Levallois. Si vous gagnez la ville, nous aurons toute la circonscription ». Banco. En 1979, Patrick Balkany ouvre sa permanence à Levallois. Dès le début, il s’investit sur le terrain aux côtés de celle qu’il a épousé deux ans plus tôt, et qui deviendra son double politique. Directrice de la communication d’Europe 1 et fille d’un industriel proche de Jacques Soustelle et de Pierre Lazareff, Isabelle Smadja connaît la chanson. Aujourd’hui, elle reste première adjointe de Levallois et vice-présidente du conseil général des Hauts-de-Seine. Chaque semaine, ils sont allés ensemble sur les marchés, coller des affiches, déambuler dans les HLM, distribuer des tracts… En 1982, Patrick Balkany est élu conseiller général des Hauts-de-Seine. Un an plus tard, il rafle la mairie, traditionnellement communiste, dès le premier tour. En politique, il a un mentor et un ami. Le premier l’a façonné : « J’ai beaucoup de respect pour Charles Pasqua. C’est un homme de convictions. J’ai appris la politique avec lui. » Le second ne l’a jamais trahi : « Nicolas Sarkozy est mon ami depuis toujours. Je l’ai connu il y a plus de trente ans. Il ne m’a jamais lâché. » Un pied dans le passé, l’autre dans le futur, Patrick Balkany a réalisé son destin politique. Il n’est pas fait pour les ministères, il ne connaît pas les hiérarchies. Il n’est pas fait pour le pouvoir, il a été piégé là où d’autres s’en sont sortis. Il a appris à adapter ses objectifs à sa personnalité. Son prochain challenge l’illustre parfaitement : « J’espère pouvoir récupérer Clichy », affirme le conquérant. En attendant, il n’y en a que pour sa ville. Grâce à elle, il a retrouvé sa légitimité. Grâce à elle, il a renoué avec son métier : « Certains souhaitent faire le tour du monde. Moi, j’avais envie de faire une ville. Aujourd’hui, on m’identifie à la ville et la ville s’identifie à moi. Les gens disent : “Levallois, c’est chez Balkany”. Si je me suis battu pour revenir, c’était uniquement pour terminer mon travail. »

Le petit chaperon bleu
Politiquement dévoré par un loup déguisé en mère-grand. Personnellement perdu dans une forêt amoureuse. Voici comment il raconte ses déboires… Il a de sacrés dons de conteur, ce Patrick. Entre 1995 et 2001, tout s’est effondré. Depuis qu’il a soutenu Edouard Balladur, il appartient au clan des traîtres. Poursuivi pour diffamation par le juge Halphen ; battu aux élections municipales par Olivier de Chazeaux ; condamné à quinze mois de prison avec sursis, 200 000 francs d’amende et deux ans d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêts ; mis en examen pour détournement de fonds publics provenant des œuvres sociales de la ville… Voilà une traversée du désert comme on en fait plus. Sa conquête amoureuse de Sybille Jacquin de Margerie, livrée aux médias, n’a rien arrangé. Il s’en explique aujourd’hui : « J’ai eu une passion amoureuse, comme cela arrive à beaucoup d’hommes, je crois. Après une dispute très banale, Sybille est descendue dans la rue. Il se trouve que j’avais à l’époque un permis de détention d’armes, et cela s’est traduit par une dépêche indiquant que je l’avais menacée… »(!) Alors, il est parti pour Saint-Martin. Un exil de trois ans, durant lequel il monte une régie publicitaire, pour passer le temps. Rattrapé par sa réputation, le CSA le somme, en 1998, de cesser les émissions de la radio qu’il s’est appropriée… En dépit de ses chaos, en dépit de son image, l’homme est de retour. Courageux ou inconscient, engagé ou ambitieux, personne ne saura jamais. Elu maire de Levallois en 2002, après une invalidation du scrutin liée au fait qu’il soit déclaré « comptable de fait des deniers de la commune », Patrick est revenu. Député UMP des Hauts-de-Seine, il s’est également réconcilié avec son parti. Certains le bannissent, d’autres conservent pour l’homme une véritable tendresse. Son tempérament excessif n’attire résolument pas l’indifférence. « Il est d’une grande gentillesse. Il assume ses responsabilités et croit en la politique », affirme Jean-Jacques Guillet, député et conseiller général des Hauts-de-Seine. Patrick Balkany a échappé à la dépression. Il a encore séduit ses électeurs. Que chacun trouve une morale à cette histoire.

Signes
 
• Ses référents
Le général de Gaulle, Napoléon, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire.

• Ses dates
. 1976 : Son mariage.
. 1983 : Son élection à Levallois.
. 18 juin 1940 et 1995 : L’appel du général de Gaulle et le jour de sa défaite aux élections.

• Ses lieux
Giverny, l’Italie

• Son signe zodiacal
Lion, 16 août 1948.

Le nouvel Economiste - n°1281 - Du 26 novembre au 2 décembre 2004 -
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